Le projet
En quoi va consister le chantier de restauration du Pont Colbert ?
Le 3 novembre 2020, le Pont Colbert était classé aux Monuments Historiques. Pour préparer au mieux la remise en beauté de cet ouvrage si cher aux habitants de Dieppe et véritable locomotive du tourisme historique normand, Ports de Normandie a procédé, en juillet 2021, à un diagnostic complet du pont avant de sélectionner en mars dernier le groupement d'entreprises qui va réaliser les travaux. Ils débuteront au cours du 1er semestre 2024.
En quoi ont consisté les tests et diagnostics réalisés en juillet 2021
- Sondage géotechnique des quais
- Essais de soudabilité
- Essais de plusieurs techniques de décapage de la peinture sur le tablier afin de trouver la technique la plus efficace et d’estimer les coûts de traitement des déchets amiantés
- Tests de colorimétrie en vue de retrouver la couleur initiale du pont et proposer au comité de pilotage une gamme de peinture.
- Comptage des véhicules et des piétons du 21/06 au 04/07
- Test et observation des dispositifs de déviation proposés (déviation routière, déviation piétonne, navette bus) afin de les optimiser en vue des travaux
Pourquoi avoir fait tous ces tests ?
Nous avions 4 objectifs majeurs :
1. Respecter ce monument historique et les exigences des Monuments Historiques en appliquant des méthodes de rénovations adaptées
2. Faire en sorte que le chantier dure le moins longtemps possible (15 à 18 mois maxi. )
3. Affiner l’enveloppe budgétaire (19,6 Millions €)
4. Identifier les circuits et modes de déviation qui répondent le mieux aux besoins des usagers et pénalisent le moins possible les riverains
Comment s'est déroulé l'appel d'offres pour sélectionner les entreprises qui vont réaliser les travaux ?
Ports de Normandie a lancé, fin juillet 2022, la consultation. Elle portait sur la réhabilitation de la structure de l’ouvrage, de ses éléments mécaniques et de conduite ainsi que sur la réfection de la zone d’effacement du pont. Les candidats avaient près de 3 mois pour présenter la meilleure performance possible en matière de délai, avec des solutions techniquement fiables et qui perturbent le moins possible les fonctions urbaines et maritimes. La consultation portait également sur la mise en œuvre éventuelle d’une passerelle piétonne mobile le temps des travaux, afin d’en connaître le coût et la faisabilité et de la comparer à d’autres solutions comme la navette bus.
Le 17 octobre dernier, nous avons reçu les différentes offres et mené depuis plusieurs phases d’analyse de celles-ci et de négociation avec les entreprises sur les prix et les solutions techniques.
Quelles sont les entreprises qui vont réaliser les travaux ?
C’est l’offre du groupement porté par la société Eiffage Métal (structure métallique et rivetage) associée à Ph Lassarat (désamiantage et peinture) qui a remporté le vote des élus de Ports de Normandie. Elle est techniquement et financièrement cohérente bien que son montant soit sensiblement plus élevé que le budget initial, le cours de l’acier ayant augmenté de 85 % sur un an. Elle propose de réaliser les travaux en 17 mois, avec une interruption de circulation de 15 mois maximum (les délais plus courts ayant été unanimement jugés irréalisables par les entreprises) pour un coût de 15,9 M€ (financés par la Région Normandie, l’Etat, le Département de Seine Maritime et l’Europe), portant ainsi le budget global du chantier à 19,6 M€. En effet, outre les travaux réalisés par Eiffage Métal, 3,7 M€ seront consacrés la rénovation des quais, la mise en lumière, la réfection de la façade du bâtiment des machines, la maitrise d’œuvre…
Quels travaux sont-ils prévus ?
Nous allons remettre en état la structure du pont qui est endommagée. Elle est constituée d’un mélange de fer puddlé d’origine et d’acier, suite à la restauration de 1945/46. Deux méthodes de restauration, validées sur leur principe par les Monuments Historiques, seront utilisées :
- - Réparation par soudure
- - Remplacement des pièces dégradées à l’identique par du rivetage à chaud
Nous allons également rénover la chaussée et la voie piétonne :
- - Suppression des caillebotis remplacés par des dalles en béton fibré ce qui permettra de réduire l’impact sonore du pont, de limiter les opérations d’entretien courant ultérieures et permettra la récupération des eaux pluviales transportant la pollution des véhicules (huiles et carburants),
- - Remplacement des trottoirs actuels par un trottoir plus large, accessible aux personnes à mobilité réduite.
Nous prévoyons également de réaliser des travaux sur le génie civil :
- - Reprise du pavage circulaire de la zone d’effacement du pont,
- - Restauration des escaliers, des butées et du couronnement de quai,
- - Restauration des maçonneries des quais en veillant à conserver la réparation par gros blocs suite au dynamitage de 1944 (trace mémorielle).
En ce qui concerne les bâtiments :
- - Restauration de la cabine de manœuvre, purge des éléments inutiles ne présentant pas d’intérêt historique, agrandissement de celle-ci en contre-bas pour accueillir les équipements de téléconduite et de sécurité,
- - Ravalement de façade du bâtiment des machines.
Enfin, l’opération comprend la mise en valeur de l’ouvrage par son éclairage nocturne :
- - Mise en lumière architecturale du pont (mise en valeur du mouvement du pont par la lumière)
- - Eclairage fonctionnel et discret du tablier et des passerelles piétonne
Pendant les travaux, y aura-t-il une passerelle pour remplacer le pont ?
Une option passerelle a été choisie par les élus, malgré son coût (1,4 M€), afin de prendre en compte les difficultés générées par le chantier. Il s’agit d’une passerelle piétonne mobile qui sera stationnée en permanence à proximité du pont. Elle sera située légèrement en amont du pont actuel, au Sud de la zone d’effacement. C’est une solution simple et éprouvée qui a été privilégiée de manière à en limiter au maximum les risques de panne et les coûts d’entretien, toutefois elle ne pourra pas être manipulée en cas de fort vent (>50km/h soit, à titre d'exemple, 20 jours en 2022), à l’instar des ouvrages existants. Il est donc possible que sur certaines périodes nous soyons amenés à maintenir la passerelle en position ouverte à la navigation. 20231220_Passerelle 3D
Quel est le calendrier prévu pour ce chantier ?
Le pont sera fermé à la circulation routière le 22 janvier, jour d'ouverture à la circulation piétonne de la passerelle. Il sera amené vers le 9 février (selon les conditions météo) Cours de Dakar afin de réaliser le sablage en limitant au maximum les nuisances sonores pour les riverains ainsi que les risques de rejets (plomb et amiante) dans l’environnement. Un cocon sera d’ailleurs installé afin d’empêcher totalement ces rejets.
Suivront ensuite toutes les étapes prévues dans le cadre du chantier : remplacement des pièces de métal endommagées, soudure, remise en peinture, dépose des caillebotis et réfection de la chaussée et du trottoir piétonnier, restauration de la cabine de conduite et de l’ensemble du mécanisme situé sous le pont (d’où l’intérêt de lever le pont afin de pouvoir accéder à cette zone qui doit être refaite) … En tout, il est prévu que l’interruption de circulation dure 15 mois maximum et qu’il soit donc terminé à l’été 2025.
Après les travaux, comment sera manœuvré le pont ?
Concernant le mécanisme et la conduite du pont, nous avons prévu de conserver et de restaurer les organes de manœuvres et de commandes ainsi que l’accumulateur (système qui stocke de l’énergie gravitaire permettant la mise en mouvement). Un système de téléconduite sera installé, il sera sécurisé par un système local. Voici la liste des travaux prévus :
- Réfection du système de manœuvre existant
- Réfection du réseau hydraulique existant
- Remplacement de la couronne de manœuvre
- Remplacement de la chaine
- Remplacement du chemin de roulement et les galets de la culasse
- Rénovation de l’ensemble des presses (basculement, rotation, pivot)
Pourra-t-on encore, après les travaux de rénovation, manœuvrer le pont depuis la cabine historique ?
Le pont sera manœuvré depuis le centre de téléconduite situé au dernier étage des locaux de Ports de Normandie, quai du Carénage. Cela permettra une mutualisation de la conduite avec celle des autres ouvrages du port de Dieppe (passerelle transmanche, pont Ango, porte à flot, passerelle Rolland), et donc à tous les conducteurs d’ouvrage d’adopter un rythme de travail qui ne soit plus soumis à des horaires dictés par la marée. Cela permettra également qu’ils ne soient plus isolés la nuit pour faire ce travail, et cela enrichira leur champ de compétences dans les domaines de l’électrotechnique et de l’informatique.
Cependant, la conduite manuelle sera préservée et pourra donc se faire, si besoin, depuis la cabine de conduite. Pour cela, nos 14 agents de téléconduite basés à Dieppe ainsi qu’une partie des collègues de la maintenance sont formés à la manœuvre manuelle.
Pour accueillir les nouveaux organes de commandes pour l’automatisation, le local sera agrandi en semi-enterré. Un contrôle régulier du fonctionnement de la manœuvre en manuel sera réalisé pour vérifier son bon fonctionnement et maintenir le savoir-faire des pontiers.
Pourquoi isolez-vous les conduits hydrauliques du pont ?
Le pont est manœuvré grâce à de la pression hydraulique. C’est de l’eau douce qui alimente ce circuit. C’est la raison pour laquelle chaque année, au mois de novembre, nous devons recouvrir le circuit hydraulique de fumier de cheval afin de mettre hors gel l’ensemble des canalisations d’eau douce du système hydraulique du pont.
Cette technique, employée depuis la construction du pont, reste le moyen traditionnellement utilisé pour garantir la pérennité du mécanisme pendant les mois d’hiver. Plus précisément, cela consiste à remplir de fumier de cheval des coffrages en bois préalablement mis en place autour des tuyaux et des vérins de manœuvre. Les presses de basculement sont quant à elles protégées par des isolants. Selon la qualité du fumier, celui-ci peut protéger pendant plusieurs mois le pont jusqu'à - 10 degrés. A partir de - 6 degrés, les agents de Port de Normandie doivent allumer et entretenir en permanence un brasero près du pivot.
Dans le cadre des travaux de réfection du pont, une isolation des circuits hydrauliques est prévue. Elle permettra d’éviter aux agents de Ports de Normandie cette opération assez pénible. En effet, deux nuits par an, 10 d’entre eux sont mobilisés pour répartir sur les canalisations 25m3 de fumier de cheval. Néanmoins, des solutions seront recherchées pour préserver l’aspect patrimonial de cette opération.
Faut-il déplacer le pont pour les travaux ?
Oui, tout à fait. Le pont étant amianté et plombé, les opérations de décapage doivent faire l’objet de protection sous forme de cocons et les échafaudages seront conséquents. Avoir la faculté de travailler en site propre isolé, non perturbé, avec des échafaudages fixes apporte sécurité et rapidité. Cela donne également la meilleure garantie de protection des riverains (pollution, mais aussi bruit : le sablage est très bruyant sur l’acier). C'est pour toutes ces raisons que le Pont Colbert sera transféré Cours de Dakar où sera basé son chantier de restauration.
Le pont semble très abimé. Quelle est l’ampleur des « dégâts » ?
Nous avons procédé à une identification de toutes les pièces endommagées nécessitant d’être remplacées (en rouge sur le plan ci-dessous). Nous allons procéder au remplacement à l’identique de 125 tonnes de matière. L’esprit de la restauration d’un ouvrage est de conserver un maximum de pièces d’origines tout en maintenant la conception et les techniques d’antan. En fonction de la quantité de matière à remplacer par portique, la méthode d’intervention se fera de la façon suivante :
- 30 % : réparation par soudure
- 70 % : rivetage à chaud
- 30 % / 70 % : mix de soudure et rivetage (au cas par cas, soumis à l’architecte du patrimoine)
De quelle couleur sera le pont ?
Le choix de la couleur n’est pas arrêté. Pour cela, nous avons plusieurs pistes :
- Un plan de 1919 présente les aciers en gris bleu
- Sur site, on trouve des traces de peinture verte en sous-couche
- La couleur actuellement visible – grise
Nous allons tenter de retrouver les différentes strates de peinture. En fonction de ce que nous allons trouver, nous soumettrons à la DRAC et aux membres du Comité de pilotage une palette de peinture au sein de laquelle ils pourront choisir.
A quoi sert le Comité de pilotage du projet ?
Le Comité de pilotage sert à acter les choix pour la conduite du projet, notamment pour arrêter le programme de travaux, l’enveloppe budgétaire et le calendrier de l’opération. Il est composé d’élus représentant les différentes collectivités impliquées dans ce projet (Région, département, agglomération Dieppe Maritime et Ville de Dieppe) ainsi que l’architecte du patrimoine.